mardi 3 mars 2015

TD ancienne : 6- TITULATURES IMPERIALES

TITULATURES IMPERIALES

Les inscriptions sur pierre sont très nombreuses dans le monde romain, celles qui concernent les empereurs sont retrouvées en très grand nombre montrant la place singulière qu'ont les empereurs dans la vie politique.
Titus, fils de Vespasien, a un règne très court de 79 à 81. C'est lui qui mate une grande révolte dans le peuple juif du vivant de son père et qui réussit à reprendre Jérusalem. Malgré une jeunesse tumultueuse notamment marquée par ses amours pour la princesse orientale Bérénice, l'Orient est très mal vu par les romains et son amour l'est encore plus. Soit, il renvoie Bérénice dans son pays et dans ce cas il règne soit il renonce au trône. Titus est considéré comme un bon empereur. Domitien est évoqué car c'est le frère de Titus qui lui succède à sa mort. On le surnomme le Néron chauve. Son règne, quant à lui, laisse de mauvais souvenirs aux romains. Ces inscriptions sont en général des titulatures impériales (elles donnent le nom complet de l'empereur mais aussi ses titres et ses pouvoirs.), elles sont très largement diffusées dans tout l'Empire.
On remarque divers supports comme des monuments attachés à l'empereur, statues… Ici, on ne sait rien sur le support de la première inscription, sur la seconde, on sait qu'elle a été gravée sur un milliaire (borne sur le bord des routes qui donne des indications sur les distances parcourues).
/!\ il faut toujours préciser d'où vient l'inscription
L'inscription permet à l'historien d'accéder à des informations qu'il n'y aurait pas accès dans les sources littéraires. Elle entre dans le détails de considération qui n'intéresse pas les historiens de l'époque. Celles-çi permettent d'appréhender la manière dont on comprenait les fondements du pouvoir impérial. La seconde inscription a en plus l'intérêt d'évoquer une carrière sénatoriale brillante, celle de Galus. L'épigraphie est fondamentale pour connaître le déroulement complet d'une carrière que ce soit d'un sénateur ou d'un chevalier car les historiens mettent en place une série d'inscriptions retrouvées qui vont faire apparaître des magistratures, charges… qui ne seront peut-être pas évoquer dans les sources ainsi que leur disparition, leur ordre, les fonctionnements.

I) Le nom de l'empereur

Si le but est de comprendre les fondements, le nom de l'empereur montre que la dimension charismatique est très importante. Titus est présenté comme étant l'empereur dans les deux inscriptions. La traduction est parfois trompeuse, le terme latin présent à l'origine est imperator, ce qui n'a rien à voir avec ce que l'on entend par empereur, on ne devrait pas le traduire car il ne désigne pas un statut ou une position dans l'état. Il fait partie intégrante du nom de tous les empereurs depuis Auguste. Il n'y a que 3 empereurs qui n'ont pas ce terme dans le nom : Tibère, Caligula et Claude. Imperator fait même fonction de prénom officiel qui est une référence à un titre qui existait depuis longtemps car sous la République, il pouvait être décerné aux généraux qui avaient remporté des victoires retentissantes, ils étaient alors acclamé imperator par les soldats sur le champs de bataille, ce qui pouvait être validé par le Sénat. En s'octroyant ce titre et en l'incorporant dans leur nom, l'empereur marquait bien une des caractéristiques essentielles du pouvoir à Rome : repos sur la victoire, un empereur légitime est un empereur victorieux. Son premier devoir est d'assurer la gloire de l'empire et sa protection.
La deuxième composante du nom de l'empereur, après celui qu'il a depuis la naissance, c'est César. A l'origine, César correspond à un surnom (cognomen-ina). C'est le surnom de Jules César (Caius-praenomen – Iulius-nomen ou gentilice – Caesar-cognomen). Or César a adopté Octave en 43 qui abandonne ensuite son ancien nom de Caius Octavius et reprend le temps de son père adoptif Caius Iulius Caesar en ajoutant Octavianus. Il a désormais deux gentilices, Iulius et Caesar. César fait partie de son nom, à la faveur du caractère héréditaire du pouvoir à Rome, ce nom va être conservé par les différents empereurs. D'ailleurs, les anciens désignaient les empereurs en utilisant César, d'où l'appellation du livre de Suétone, La Vie des Douze Césars.
Immédiatement après le nom, il y a une référence à la filiation. C'est un procédé systématique dans les inscriptions de l'époque romaine pour tous les citoyens : prénoms, gentilices et filiation (fils de ...[toujours le père]). Il y a une variante entre les 2 inscriptions, la première parle du « fils de l'Auguste Vespasien » dont Vespasien fonde la dynastie Flavienne et règne 10 ans entre 69 et 79 ce qui lui permet de bâtir une œuvre importante et de renforcer un pouvoir impérial qui est affaibli par une courte guerre civile. Dans la seconde inscription, Vespasien est qualifié de « Divus » = divin et non Auguste, il est courant à Rome de diviniser les empereurs après leur mort quand ils sont considérés comme de bons empereurs (dans la mesure où l'apothéose est décerné par le sénat , les bons empereurs sont ceux respectueux des prérogatives du Sénat). La divinisation ne doit pas surprendre, il n'y a pas de coupure nette entre le divin et l'homme dans la religion romaine, un homme peut être déclaré Dieu dès lors qu'il s'illustre par des qualités exceptionnelles qui le distingue des autres hommes. Ça fait longtemps que certains anciens comme Evhémère, considèrent que tous les Dieux sont des personnalités dont l'origine est humaine. Personne ne remet en question le fait que certains dieux ont des origines humaines. Les anciens se moquent de la définition du dieu, de la même manière qu'il y a ni clergé ni texte saint ni dogme d'où les passerelles entre les dieux et le monde humain. Dans la perspective des empereurs, la possibilité d'une divinisation agit comme une incitation à agir comme un bon empereur. Octavien est le premier à avoir fait en sorte que son défunt père adoptif soit divinisé et a pris le fils de « Divi filius », fils du divin. Ce n'est pas innocent mais une manière d'avoir une aura plus grande, de se placer au-dessus du commun des mortels ; les autres empereurs vont pendre la même voie lorsqu'elle sera possible. La première inscription laisse supposer qu'elle est donc antérieur à la seconde : le Sénat n'a pas encore accordé l'apothéose, Vespasien n'est pas encore mort, il serait Augustus, terme à la connotation forte qui désigne ce qui est saint et vénérable, majestueux. Le préfixe aug- désigne ce qui augmente comme si l'efficacité de l'Auguste est plus grande. Octavien est le premier à l'obtenir, il devient Caius Iulius Caesar Octavianus Augustus (c'est son deuxième surnom). Ce titre d'Auguste est destiné à renforcer le prestige et donc l'auctoritas de celui qui le porte.

II) Les fondements du pouvoir impérial et l'hérédité dynastique

Les deux inscriptions insistent sur la puissance tribunicienne de Titus (fondement même du pouvoir civil de l'empereur), renouvelable chaque année. C'est pourquoi, il est précisé qu'il la possède pour la troisème fois dans première inscription et une dixième fois dans la seconde. C'est un pouvoir que possédaient les tribuns de la Plèbe, Auguste est le premier empereur qui à partir de 23 exerce le pouvoir sans revêtir la magistrature. Il n'a pas ce titre de Tribuns mais est autorisé à agir comme eux. A ce titre, il est sacrosaint (protégé par l'inviolabilité, peut mettre à mort ceux qui s'en prennent à lui), il a la ius auxilii soit il a le droit et le devoir de venir en aide à un citoyen qui se sentirait en menacé par une décision de magistrat et il a un droit de véto soit il peut s'opposer à la décision d'un magistrat, emp^écher la réunion des comices ou du Sénat ou encore de s'opposer à leurs décisions. Il peut proposer des lois et réunir certains comices (= tributes). C'est parce que cette puissance donne un pouvoir important que tous les empereurs sans exception l'ont systématiquement revêtu.
On nous dit aussi qu'il est également consul. Le pouvoir d'Auguste la revêtu tous les ans avant d'avoir la puissance tribunicienne, annuelle et collégiale, plus haute fonction de magistrature. Il convoque et préside le Sénat de même que certains comices, il lève et commande les légions et donnent son nom à leur année de mandat. Après Auguste, elle est régulièrement mais pas automatiquement attribuée par les empereurs. Titus lui accorde beaucoup d'importance, il revêt le consulat 8 fois. La première date de 72, la seconde de 80. Titus est plusieurs fois appelé empereur, de référence à l'imperium donc au côté militaire de l'empereur impliquant avant tout un commandement militaire (droit de lever des troupes, de les commander et de diriger les provinces). La puissance de l'imperium apparaît lors des salutations impériales qui sont numérotées. La deuxième inscription parle aussi du père de la patrie (titre honorifique qu'a pris presque tous les empereurs sauf Tibère par exemple, décerné par le Sénat qui marque l'action bienfaisante de l'empereur envers les citoyens et le peuple). Titus est aussi mentionner en tant que censeur (titre rarement présenté dans les titulatures), c'est une vieille magistrature républicaine, à l'origine d'anciens consuls, contrôlant les mœurs et du cens. Les censeurs confectionnent les listes des chavaliers et des sénateurs. Titus est également présenté comme ayant été Grand Pontife qui la partie religieuse du fondement du pouvoir. Cette fonction correspond à la plus haute prêtrise à Rome. C'est le chef de la religion nationale, nommé à vie et surveillant la bonne exécution des rites. Elle octroie à Auguste en 12 et depuis elle est accordée à tous les empereurs dès leur avènement.
Les deux inscriptions permettent de mieux comprendre l'hérédité impériale. Dans la première, on voit que Titus est très vite associé au pouvoir de son père. Dès 70, il est consul et obtient la puissance tribunicienne ainsi que l'imperium. Il devient collègue du prince (co-régent), depuis Auguste le partage par le prince de ces deux pouvoirs fondamentaux est une manière de désigner son successeur et de le former au métier de prince. Vespasien a aussi donné des responsabilités à son 2e fils, Domitien, avec plus de prudence (Domitien a un caractère plus incertain), pour assurer la dynastie. Dans la 2e inscription, on voit que Domitien est destiné à succéder à son frère car il a été 7 fois consul, il n'a jamais été réellement associé au pouvoir de son frère. Le règne de Titus est trop court et n'a sans doute pas eu assez de volonté pour associer son frère au pouvoir. Domitien se contente de figurer comme père de la jeunesse (titre honorifique donné depuis Auguste aux fils des empereurs). Domitien est le membre de tous les collèges religieux à Rome.

III) Une carrière sénatoriale

La seconde inscription met en avant l'action de Galus qui a construit une voie romaine au nom de Titus et Domitien en Asie Mineure. Ces routes sont indispensables pour assurer la domination de Rome sur son empire, en particulier pour l'acheminement rapide des légions dans les zones de troubles ; elles n'ont pas initialement d'objectif économique (pas de politique économique à Rome). Galus a été consul à Rome : poste prestigieux mais désormais sans grand pouvoir ; il a pour principal intérêt d'ouvrir sur des fonctions consulaires (que l'on exerce après le consulat) qui ont un poids politique important. Il est notamment légats proprétoriens d'Auguste : il se voit confier le gouvernement d'une province par l'empereur et il dépend directement de l'empereur. En pratique ces légats d'Auguste restent trois ans en fonction. Même si ce n'est pas une province importante (Lycaonie), c'est une belle carrière. Il est aussi membre d'un collège religieux (le collège des quinze chargés des sacrifices ou des affaires religieuses, selon la traduction), c'est un des collège les plus prestigieux à Rome, ses membres sont chargés de garder et d'interpréter les livre Sibyllins qui est un recueil d'origine grecque que ce serait procuré un des derniers rois de Rome, Tarquin l'Ancien. Ils contiennent des oracles obscurs (rendus en général par des prophétesses, une des plus connues est la Pythie de Delphes, femme qui entrait en transe lors des consultations, qui rentrait donc en contact avec les dieux) qui sont censés permettre de remédier à des situations catastrophiques. Il y côtoye très certainement Domitien.
D'une manière générale, il n'y a pas de séparation des pouvoirs, pas non plus entre le politique, le religieux et le militaire.



Ces deux inscriptions présentes des caractéristiques classiques, elles montrent notamment que imperator caesar divi filius Augustus qui était le nom officiel d'Auguste, a constitué la base de tous les autres empereurs avec des ajouts. Les différents éléments de ce nom contribuaient à forger l'auctoritas du prince. Evidemment, cette auctoritas venait appuyer des pouvoirs importants en particulier la puissance tribunicienne et l'imperium. Les empereurs disposaient également de promagistrats comme les légats d'Auguste qui vont diriger en leur nom leurs provinces. La singularité de la seconde inscription est de montrer la méfiance assez peu ordinaire dont Vespasien et Titus ont fait preuve à l'égard de Domitien dans le cadre de la succession dynastique. Jamais ce Domitien n'a réellement été associé au pouvoirs impériaux, ce qui était pourtant la règle pour légitimer le choix du prochaine empereur. Pourtant, malgré cette méfiance, Vespasien n'a pu se résoudre à un choix qui ne soit dynastique, Titus n'est pas revenu sur sa décision. Le règne de Domitien va malheureusement confirmer ces craintes.


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