TITULATURES
IMPERIALES
Les
inscriptions sur pierre sont très nombreuses dans le monde romain,
celles qui concernent les empereurs sont retrouvées en très grand
nombre montrant la place singulière qu'ont les empereurs dans la vie
politique.
Titus,
fils de Vespasien, a un règne très court de 79 à 81. C'est lui qui
mate une grande révolte dans le peuple juif du vivant de son père
et qui réussit à reprendre Jérusalem. Malgré une jeunesse
tumultueuse notamment marquée par ses amours pour la princesse
orientale Bérénice, l'Orient est très mal vu par les romains et
son amour l'est encore plus. Soit, il renvoie Bérénice dans son
pays et dans ce cas il règne soit il renonce au trône. Titus est
considéré comme un bon empereur. Domitien est évoqué car c'est le
frère de Titus qui lui succède à sa mort. On le surnomme le Néron
chauve. Son règne, quant à lui, laisse de mauvais souvenirs aux
romains. Ces inscriptions sont en général des titulatures
impériales (elles donnent le nom complet de l'empereur mais aussi
ses titres et ses pouvoirs.), elles sont très largement diffusées
dans tout l'Empire.
On
remarque divers supports comme des monuments attachés à l'empereur,
statues… Ici, on ne sait rien sur le support de la première
inscription, sur la seconde, on sait qu'elle a été gravée sur un
milliaire (borne sur le bord des routes qui donne des indications sur
les distances parcourues).
/!\
il faut toujours préciser d'où vient l'inscription
L'inscription
permet à l'historien d'accéder à des informations qu'il n'y aurait
pas accès dans les sources littéraires. Elle entre dans le détails
de considération qui n'intéresse pas les historiens de l'époque.
Celles-çi permettent d'appréhender la manière dont on comprenait
les fondements du pouvoir impérial. La seconde inscription a en plus
l'intérêt d'évoquer une carrière sénatoriale brillante, celle de
Galus. L'épigraphie est fondamentale pour connaître le déroulement
complet d'une carrière que ce soit d'un sénateur ou d'un chevalier
car les historiens mettent en place une série d'inscriptions
retrouvées qui vont faire apparaître des magistratures, charges…
qui ne seront peut-être pas évoquer dans les sources ainsi que leur
disparition, leur ordre, les fonctionnements.
I)
Le nom de l'empereur
Si
le but est de comprendre les fondements, le nom de l'empereur montre
que la dimension charismatique est très importante. Titus est
présenté comme étant l'empereur dans les deux inscriptions. La
traduction est parfois trompeuse, le terme latin présent à
l'origine est imperator, ce qui n'a rien à voir avec ce que l'on
entend par empereur, on ne devrait pas le traduire car il ne désigne
pas un statut ou une position dans l'état. Il fait partie intégrante
du nom de tous les empereurs depuis Auguste. Il n'y a que 3 empereurs
qui n'ont pas ce terme dans le nom : Tibère, Caligula et
Claude. Imperator fait même fonction de prénom officiel qui est une
référence à un titre qui existait depuis longtemps car sous la
République, il pouvait être décerné aux généraux qui avaient
remporté des victoires retentissantes, ils étaient alors acclamé
imperator par les soldats sur le champs de bataille, ce qui pouvait
être validé par le Sénat. En s'octroyant ce titre et en
l'incorporant dans leur nom, l'empereur marquait bien une des
caractéristiques essentielles du pouvoir à Rome : repos sur la
victoire, un empereur légitime est un empereur victorieux. Son
premier devoir est d'assurer la gloire de l'empire et sa protection.
La
deuxième composante du nom de l'empereur, après celui qu'il a
depuis la naissance, c'est César. A l'origine, César correspond à
un surnom (cognomen-ina). C'est le surnom de Jules César
(Caius-praenomen – Iulius-nomen ou gentilice – Caesar-cognomen).
Or César a adopté Octave en 43 qui abandonne ensuite son ancien nom
de Caius Octavius et reprend le temps de son père adoptif Caius
Iulius Caesar en ajoutant Octavianus. Il a désormais deux
gentilices, Iulius et Caesar. César fait partie de son nom, à la
faveur du caractère héréditaire du pouvoir à Rome, ce nom va être
conservé par les différents empereurs. D'ailleurs, les anciens
désignaient les empereurs en utilisant César, d'où l'appellation
du livre de Suétone, La Vie des Douze Césars.
Immédiatement
après le nom, il y a une référence à la filiation. C'est un
procédé systématique dans les inscriptions de l'époque romaine
pour tous les citoyens : prénoms, gentilices et filiation (fils
de ...[toujours le père]). Il y a une variante entre les 2
inscriptions, la première parle du « fils de l'Auguste
Vespasien » dont Vespasien fonde la dynastie Flavienne et règne
10 ans entre 69 et 79 ce qui lui permet de bâtir une œuvre
importante et de renforcer un pouvoir impérial qui est affaibli par
une courte guerre civile. Dans la seconde inscription, Vespasien est
qualifié de « Divus » = divin et non Auguste, il est
courant à Rome de diviniser les empereurs après leur mort quand ils
sont considérés comme de bons empereurs (dans la mesure où
l'apothéose est décerné par le sénat , les bons empereurs sont
ceux respectueux des prérogatives du Sénat). La divinisation ne
doit pas surprendre, il n'y a pas de coupure nette entre le divin et
l'homme dans la religion romaine, un homme peut être déclaré Dieu
dès lors qu'il s'illustre par des qualités exceptionnelles qui le
distingue des autres hommes. Ça fait longtemps que certains anciens
comme Evhémère, considèrent que tous les Dieux sont des
personnalités dont l'origine est humaine. Personne ne remet en
question le fait que certains dieux ont des origines humaines. Les
anciens se moquent de la définition du dieu, de la même manière
qu'il y a ni clergé ni texte saint ni dogme d'où les passerelles
entre les dieux et le monde humain. Dans la perspective des
empereurs, la possibilité d'une divinisation agit comme une
incitation à agir comme un bon empereur. Octavien est le premier à
avoir fait en sorte que son défunt père adoptif soit divinisé et a
pris le fils de « Divi filius », fils du divin. Ce n'est
pas innocent mais une manière d'avoir une aura plus grande, de se
placer au-dessus du commun des mortels ; les autres empereurs
vont pendre la même voie lorsqu'elle sera possible. La première
inscription laisse supposer qu'elle est donc antérieur à la
seconde : le Sénat n'a pas encore accordé l'apothéose,
Vespasien n'est pas encore mort, il serait Augustus, terme à la
connotation forte qui désigne ce qui est saint et vénérable,
majestueux. Le préfixe aug- désigne ce qui augmente comme si
l'efficacité de l'Auguste est plus grande. Octavien est le premier à
l'obtenir, il devient Caius Iulius Caesar Octavianus Augustus (c'est
son deuxième surnom). Ce titre d'Auguste est destiné à renforcer
le prestige et donc l'auctoritas de celui qui le porte.
II)
Les fondements du pouvoir impérial et l'hérédité dynastique
Les
deux inscriptions insistent sur la puissance tribunicienne de Titus
(fondement même du pouvoir civil de l'empereur), renouvelable chaque
année. C'est pourquoi, il est précisé qu'il la possède pour la
troisème fois dans première inscription et une dixième fois dans
la seconde. C'est un pouvoir que possédaient les tribuns de la
Plèbe, Auguste est le premier empereur qui à partir de 23 exerce le
pouvoir sans revêtir la magistrature. Il n'a pas ce titre de Tribuns
mais est autorisé à agir comme eux. A ce titre, il est sacrosaint
(protégé par l'inviolabilité, peut mettre à mort ceux qui s'en
prennent à lui), il a la ius auxilii soit il a le droit et le devoir
de venir en aide à un citoyen qui se sentirait en menacé par une
décision de magistrat et il a un droit de véto soit il peut
s'opposer à la décision d'un magistrat, emp^écher la réunion des
comices ou du Sénat ou encore de s'opposer à leurs décisions. Il
peut proposer des lois et réunir certains comices (= tributes).
C'est parce que cette puissance donne un pouvoir important que tous
les empereurs sans exception l'ont systématiquement revêtu.
On
nous dit aussi qu'il est également consul. Le pouvoir d'Auguste la
revêtu tous les ans avant d'avoir la puissance tribunicienne,
annuelle et collégiale, plus haute fonction de magistrature. Il
convoque et préside le Sénat de même que certains comices, il lève
et commande les légions et donnent son nom à leur année de mandat.
Après Auguste, elle est régulièrement mais pas automatiquement
attribuée par les empereurs. Titus lui accorde beaucoup
d'importance, il revêt le consulat 8 fois. La première date de 72,
la seconde de 80. Titus est plusieurs fois appelé empereur, de
référence à l'imperium donc au côté militaire de l'empereur
impliquant avant tout un commandement militaire (droit de lever des
troupes, de les commander et de diriger les provinces). La puissance
de l'imperium apparaît lors des salutations impériales qui sont
numérotées. La deuxième inscription parle aussi du père de la
patrie (titre honorifique qu'a pris presque tous les empereurs sauf
Tibère par exemple, décerné par le Sénat qui marque l'action
bienfaisante de l'empereur envers les citoyens et le peuple). Titus
est aussi mentionner en tant que censeur (titre rarement présenté
dans les titulatures), c'est une vieille magistrature républicaine,
à l'origine d'anciens consuls, contrôlant les mœurs et du cens.
Les censeurs confectionnent les listes des chavaliers et des
sénateurs. Titus est également présenté comme ayant été Grand
Pontife qui la partie religieuse du fondement du pouvoir. Cette
fonction correspond à la plus haute prêtrise à Rome. C'est le chef
de la religion nationale, nommé à vie et surveillant la bonne
exécution des rites. Elle octroie à Auguste en 12 et depuis elle
est accordée à tous les empereurs dès leur avènement.
Les
deux inscriptions permettent de mieux comprendre l'hérédité
impériale. Dans la première, on voit que Titus est très vite
associé au pouvoir de son père. Dès 70, il est consul et obtient
la puissance tribunicienne ainsi que l'imperium. Il devient collègue
du prince (co-régent), depuis Auguste le partage par le prince de
ces deux pouvoirs fondamentaux est une manière de désigner son
successeur et de le former au métier de prince. Vespasien a aussi
donné des responsabilités à son 2e fils, Domitien, avec
plus de prudence (Domitien a un caractère plus incertain), pour
assurer la dynastie. Dans la 2e inscription, on voit que
Domitien est destiné à succéder à son frère car il a été 7
fois consul, il n'a jamais été réellement associé au pouvoir de
son frère. Le règne de Titus est trop court et n'a sans doute pas
eu assez de volonté pour associer son frère au pouvoir. Domitien se
contente de figurer comme père de la jeunesse (titre honorifique
donné depuis Auguste aux fils des empereurs). Domitien est le membre
de tous les collèges religieux à Rome.
III)
Une carrière sénatoriale
La
seconde inscription met en avant l'action de Galus qui a construit
une voie romaine au nom de Titus et Domitien en Asie Mineure. Ces
routes sont indispensables pour assurer la domination de Rome sur son
empire, en particulier pour l'acheminement rapide des légions dans
les zones de troubles ; elles n'ont pas initialement d'objectif
économique (pas de politique économique à Rome). Galus a été
consul à Rome : poste prestigieux mais désormais sans grand pouvoir
; il a pour principal intérêt d'ouvrir sur des fonctions
consulaires (que l'on exerce après le consulat) qui ont un poids
politique important. Il est notamment légats proprétoriens
d'Auguste : il se voit confier le gouvernement d'une province par
l'empereur et il dépend directement de l'empereur. En pratique ces
légats d'Auguste restent trois ans en fonction. Même si ce n'est
pas une province importante (Lycaonie), c'est une belle carrière. Il
est aussi membre d'un collège religieux (le collège des quinze
chargés des sacrifices ou des affaires religieuses, selon la
traduction), c'est un des collège les plus prestigieux à Rome, ses
membres sont chargés de garder et d'interpréter les livre Sibyllins
qui est un recueil d'origine grecque que ce serait procuré un des
derniers rois de Rome, Tarquin l'Ancien. Ils contiennent des oracles
obscurs (rendus en général par des prophétesses, une des plus
connues est la Pythie de Delphes, femme qui entrait en transe lors
des consultations, qui rentrait donc en contact avec les dieux) qui
sont censés permettre de remédier à des situations
catastrophiques. Il y côtoye très certainement Domitien.
D'une
manière générale, il n'y a pas de séparation des pouvoirs, pas
non plus entre le politique, le religieux et le militaire.
Ces
deux inscriptions présentes des caractéristiques classiques, elles
montrent notamment que imperator caesar divi filius Augustus qui
était le nom officiel d'Auguste, a constitué la base de tous les
autres empereurs avec des ajouts. Les différents éléments de ce
nom contribuaient à forger l'auctoritas du prince. Evidemment, cette
auctoritas venait appuyer des pouvoirs importants en particulier la
puissance tribunicienne et l'imperium. Les empereurs disposaient
également de promagistrats comme les légats d'Auguste qui vont
diriger en leur nom leurs provinces. La singularité de la seconde
inscription est de montrer la méfiance assez peu ordinaire dont
Vespasien et Titus ont fait preuve à l'égard de Domitien dans le
cadre de la succession dynastique. Jamais ce Domitien n'a réellement
été associé au pouvoirs impériaux, ce qui était pourtant la
règle pour légitimer le choix du prochaine empereur. Pourtant,
malgré cette méfiance, Vespasien n'a pu se résoudre à un choix
qui ne soit dynastique, Titus n'est pas revenu sur sa décision. Le
règne de Domitien va malheureusement confirmer ces craintes.
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