CHARGES
ET HONNEURS CONFERES A AUGUSTE
En
janvier -27, Octavien remet les pouvoirs qu'il a depuis qu'il a été
nommé triumvir rei publicae
constituendae (= les trois hommes chargés de
restaurer l'état) au Sénat. Il s'agit d'une forme de dictature,
sans le nom, dans la mesure où celle de César laisse de mauvais
souvenirs, qui est créée pour emplir une mission spécifique :
restaurer l'état romain. Cette magistrature doit s'interrompre,
légalement elle a trouvé un terme dès décembre -33, il est nommé
triumvir pour 5 ans puis cela est renouvelé. Octavien va quand même
conserver ses prérogatives et à partir de 31, il va être consul
chaque année. Les séances du Sénat de janvier -27 restent fameuses
dans la mesure où elles marquent la fin d'une période d'exception.
Remettant ses pouvoirs aux sénateurs, Octavien reconnaît
officiellement que l'état romain est rétabli. Pourtant, à cette
occasion et dans les années qui suivent, Octavien devenu Auguste va
cumuler des pouvoirs qui lui donne une prééminence incontestable
dans l'état jusqu'à se mort. Ces pouvoirs sont évoqués dans les
Res Gestae Divi Augusti en particulier dans les chapitres 4 à
8. Il s'agit d'un testament politique qui est lu devant le Sénat par
Drusus (fils de Tibère) après le décès d'Auguste. Il est rédigé
par le défunt lui-même sans doute peu avant sa mort. Il doit être
gravé et déposé devant le mausolée d'Auguste à Rome et on en a
retrouvé plusieurs copies gravées dans le bronze en Asie Mineure.
Sa particularité est d'avoir une fonction constitutionnelle. Il
s'agit de glorifier l'oeuvre d'Auguste mais aussi de montrer à ses
successeurs comment ils doivent gérer l'empire. Il va même
s'interroger sur la nature réelle du pouvoir Augustéen.
Le
pouvoir augustéen va-t-il constitué une simple restauration de la
res publica sur le modèle du régime né en -509 ou est ce que ça a
été une innovation masquée d'une monarchie à façade
républicaine ?
I)
Le respect, du moins apparent, de la res publica
Rappel
dès le ch.7 qu'il a été triumvir
chargé de réorganiser l'état : c'est bien la preuve que cette
magistrature est légale. L'initiative est à l'origine privée mais
est validée par une loi (= lex titia). En faisant allusion à
cette charge, Auguste entend rappeler qu'il a agi officiellement en
tant que restaurateur de l'état. On ne peut pas l'assimiler à un
ambitieux qui a tenté un coup d'état.
(possibilité
de citer le ch.1, Auguste affirme que dès -44, il agit, certes en
simple particulier en levant une armée mais il le fait pour libérer
la res publica qui était alors opprimer par une faction →
toujours
dans l'intérêt de l'état.)
La
remise des pouvoirs en janvier -27 est là aussi pour rappeler le
caractère désintéressé
de son geste
A
en croire les Res Gestae, les pouvoirs d'Auguste sont traditionnels :
consul* (= magistrature suprême de la République),
Princeps senatus*
(= prince du sénat, titre très prestigieux qui donne une aura
particulière et qui existe sous la République, sénateur le élevé
en dignité : c'est le 1er a parlé lors des séances,
souvent rallié par les autres sénateurs). Il a la volonté de se
placer dans une stricte continuité républicaine et il rappelle le
rôle central du Sénat dans les institutions romaines.
Auguste,
à un certain moment, refuse un certain nombre de pouvoirs
exceptionnels donnés par le peuple romain dans une période
d'angoisse car cela s'écartait un peu trop de la tradition
républicaine. Refus de la censure (=
recenser le nombre de citoyens, d'évaluer leur fortune et de dresser
les listes des chevaliers et sénateurs), consulat
perpétuel (contre le principe de l'annualité
traditionnelle des magistratures). Il a été consul de -31 à -22
sans discontinuité, quand Rome et l’Italie sont frappées par une
épidémie de peste qui était précédée par de très violents
orages et de fortes inondations, pendant l'hiver -23 à -22
provoquant une crue du Tibre détruisant les réserves de blé des
greniers voisins du fleuve. Les bras dans les campagnes voisines
commencent à manquer à cause de la peste. La disette éclate et on
voit la foule assiéger le Sénat décidé alors à contraindre la
Curie à céder la dictature pour ne pas mécontenter l'aristocratie
et rester dans la loi ( dictature interdite par une loi en -44 après
la mort de César). En revanche, il accepte d'endosser la
responsabilité de l'approvisionnement en blé. Il va s'empresser
d'envoyer à ses frais des navires en Égypte (= greniers à blé de
l'empire)
A
travers ce refus de magistratures extraordinaires et l'acceptation de
plusieurs missions temporaires, Auguste souhaite se présenter comme
un recours dans l'état et non comme un magistrat permanent : on
y fait appel en cas de situations délicates en raison de ses
compétences particulières mais le reste du temps, il veut montrer
que l'état continue de fonctionner normalement comme avant la guerre
civile.
II)
Les fondements juridiques du Principat
Auguste
se montre très respectueux de la légalité républicaine mais cela
est beaucoup plus complexe qu'il n'y paraît. En effet, il se
présente en recours mais à deux reprises, il évoque la puissance
tribunicienne * faisant de lui une personnalité
incontournable de la vie politique romaine.
Les
collègues du prince = personnes
qui comme Agrippa ou Tibère sont pressentis pour être les héritiers
d'Auguste à la tête de l'empire.
+
imperium* (honneurs reçus pour
les victoires)
=
pouvoir permanent
III)
Un pouvoir de nature charismatique
Auguste
affirme dans les Res Gestae n'avoir jamais eu plus de pouvoir
qu'aucun de ses collègues, quand il l'emporte sur ses collègues
magistrats, c'est parce qu'il l'emporte sur son auctoritas
soit un pouvoir de nature charismatique entraînant une confiance
absolue. Cette auctoritas est forgée par ses victoires militaires
qui lui valent un certain nombre d'honneurs comme le triomphe*,
qui renforcent cette nature charismatique et le placent au-dessus
d'un simple mortel.
Le
triomphe fait de lui une personnalité hors norme, rarement décerné.
C'est une cérémonie de caractère militaire et religieux :
action de grâce (cérémonie destinée à marquer la
reconnaissance à l'égard d'un ou des Dieux) décerné à un général
victorieux après avoir été acclamé imperator
par ses soldats sur le champs de bataille après une victoire
décisive. Il peut alors franchir avec son armée la pomérium
(limite sacrée de Rome) et se rendre au Capitole pour remercier
Jupiter de sa protection. Présence d'un butin de guerre, des
taureaux pour le sacrifice, les captifs et l'armée défilent.
Évocation des ovations* (=
triomphe sauf qu'il est à cheval et non en char).
Par
ailleurs, la nature charismatique du pouvoir est aussi due au Grand
Pontificat* et les 15 hommes chargés des affaires
sacrées* qui contribuent à lui donner une prééminence
dans l'état.
Confrérie
des frères Arvales, créé par Romulus, qui se consacrent au culte
de Dea Dia (déesse mineure protectrice des champs), culte tombé en
désuétude et qu'Auguste remet à l'honneur. Cela est censé
symboliser son attachement à la tradition.
L'éclat
de ces honneurs et l'exercice des magistratures contribuent à forger
l'aucoritas d'Auguste et justifie son propos à la fin du ch.8. Dans
ce chapitre, il précise que, soucieux de la tradition, il a fait des
lois qui remettent en honneur les exemples des prestigieux ancêtres,
ceux que l'on dénomme les « Vieux romains », ceux qui,
par vertus ont fait de Rome une puissance à même de diriger tout le
pourtour méditerranéen. Dans la même logique et au nom de la
nature charismatique de son pouvoir, auguste se présente lui-même à
la postérité comme un exemple à imiter.
Conclusion
Les
Res Gestae disent beaucoup de choses sur les pouvoirs dont disposés
Auguste même si certaines choses sont tues de manière à préserver
la façade républicaine du régime. Elles ne laissent pas beaucoup
de doute sur l'étendue de ses pouvoirs mais ils sont toujours
présentés comme ayant été légalement obtenus et toujours, il est
suggéré qu'Auguste en a usé avec modération, il a même refusé
de voir sa puissance encore accrue pour rester dans une certaine
tradition, au moins en apparence, ce qui ne l'a pas empêcher
d’accepter des missions temporaires .
Les
Res Gestae prennent le parti de masquer une réalité qui est celle
d'un pouvoir monarchique sanctionnant la prééminence dans l'état
d'un homme seul avec le pouvoir global. Auguste va accentuer la
dimension monarchique.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire