LES
JEUX DE NERON
Les
jeux sont une composante essentielle de la vie sociale et politique à
Rome dès l'époque républicaine, ils jouent un rôle non
négligeables qui ne cessent de se renforcer sous l'empire. Les jeux
de Néron demeurent dans la mémoire collective en raison de leur
originalité et leur magnificence. Il a un tempérament régulier. On
donne volontiers de lui une image d'un fou sanguinaire, image non
dénuée de réalité, mais elle doit beaucoup aux commentaires des
chrétiens, persécutés sous Néron, et aux historiens, qu'ils
soient de l'ordre sénatorial comme Tacite ou équestre comme
Suétone. Ce sont des ordres qui ont eu à se plaindre pour diverses
raison de Néron. Ils n'apprécient d'ailleurs pas son philhéllénisme
(appréciation de la culture grecque) qui aboutit à la remise en
cause de certaines traditions romaines. Il ne faut pas penser que le
peuple ne l'apprécie pas. Pour ce peuple, il semble que Néron est
très populaire, il paraît évident que sa politique édilitaire et
la caractéristique de ses jeux y sont pour beaucoup dans sa
popularité. Cependant Suétone ne fait pas état de sa popularité.
Suétone
est né aux alentours de 70, originaire d'une famille équestre, sans
doute romaine. Il fait une carrière administrative brillante sous
Trajan et Hadrien et grâce à ses fonctions qu'il occupe dans les
services impériaux, il peut consulter de nombreuses archives qu'il
met à profil pour écrire la biographie de La Vie des Douzes
Césars, notamment par l'accès à la correspondance des
empereurs. Cet un ouvrage publié entre 119 et 122, date à laquelle
on perd la trace de Suétone car il est disgracié. Suétone
fonctionne moins en historien qu'en moraliste, ce qui l'intéresse
c'est le caractère et le comportement, les mœurs des différents
empereurs. Il a une prétention à l'objectivité. L'impression que
l'on a à la lecture est plutôt défavorable à chacun des
princeps : vision négative pour certains (Caligula, Claude,
Domitien, Tibère) et une vision positive pour d'autres (Auguste,
Vespasien). Il y a chez lui une réflexion sur le prince idéal d'où
l'insistance sur les vices et vertus des princeps : ce qui fait
la différence entre un bon et un mauvais empereur, c'est la moralité
pour lui, il y a ceux qui abusent de leur pouvoir et ceux qui usent
avec modération
Les
jeux constituent un moment privilégiés où l'ensemble de la société
romaine (de la Plèbe aux ordres supérieurs) se trouve réunis dans
un même lieu et s'observe dans un spectacle qui se trouve autant
dans les gradins que dans l'arène. Les jeux disent quelque chose du
pouvoir qui profite de cette occasion pour s'exhiber et cela dit
aussi quelle perception les citoyens où du pouvoir.
I)
La profusion du spectacle organisé par Néron
Aux
premières lignes du ch.11, Suétone nous dit que Néron donne un
grand nombre de spectacles : jeux du cirque, courses de chars,
combats de gladiateurs, représentations théâtrales et il en cite
certains.
Les
jeux juvénaux (juvenalia) sont des jeux scéniques institué
par Néron en 59 pour commémorer le moment où pour la première
fois il a coupé sa barbe (marque le passage de l'enfance à l'âge
adulte). Ils sont censés avoir un but éducatif. Il y a toute sorte
de représentations théâtrales qui ont lieu et dans le programme,
les pièces de théâtre grecques occupent une place plus que
conséquente. Néron monte lui-même sur scène. Dion Cassius nous
dit que finalement Néron quand il monte sur scène : il a une
voix faible et sourde. Dès 59, il crée des sortes de troupes de
jeunes hommes venant de familles aristocratiques romaines : les
augustians. Ils sont chargés de prendre place dans les gradins et
d'applaudir avec enthousiasme les prestations de Néron afin
d’entraîner le public. Néron est un fin lettré qui connaît bien
les poètes grecs. Il fait de l'Iliade son livre de chevet et écrit
lui-même des vers assez élaborés.
Les
grands jeux (ludi maximi) sont les jeux du cirque plus
classiques qui marquent les mémoires. Ils durent plusieurs jours et
ont lieu dans différents lieux de spectacles (cirques, théâtre,
amphithéâtre, naumachie). Les jeux sont organisés en 59 et Néron
veut en faire des jeux célébrant la gloire de l'empire romain.
C'est pourquoi des spectacles sont marqués d'une forme d'exotisme
dans la mesure où l'on voit pour la première fois un quadrige de
chameaux, censé frapper les esprits ainsi que de montrer que Rome
exerce une domination universelle.
L'Incendie
est une comédie qui bâti une maison sur scène qui va ensuite
brûler et les acteurs peuvent réellement piller la maison. Au bout
d'un moment, elle s'effondre et certains acteurs sortent en torche
humaine...Les acteurs sont des gens méprisés, de basse extraction
qui vivent de peu. Le fait de pouvoir récupérer les éléments de
valeur motivent certains d'entre-eux à prendre des risques.
La
Naumachie propose des spectacles mettant en scène un combat naval.
C'est à la fois un lieu de spectacle et un spectacle lui-même, bâti
par Auguste, sur la plaine du Vatican. On peut y voir des monstres
marins pour étonner le public et lui montrer des choses qu'il n'a
jamais vu.
L'exécution
de la pyrrhique est une danse qui vient d'un guerrier grec Pyrrhus.
Elle est pratiquée à l'origine par des guerriers spartiates et
crétois par conséquent elle n'entre pas dans la tradition romaine.
Les
jeux néroniens (neronia) est un concours de musique,
d'éloquence et de poésie ainsi que de courses à cheval et des
concours gymniques. Elles se tiennent à deux reprises en 60 et 65.
En 65, on voit pour la première apparition publique de l'empereur
sur scène. En 64, à Naples, il apparaît aussi mais cela n'a pas le
même impact. Quand Néron se présente, il gagne. Il obtient le prix
de la harpe, la couronne de l'éloquence…. C'est un homme
orgueilleux et cruel, le jury se doit de lui donner la victoire. Il
essaye de corrompre ses adversaires avant le concours. Il se présente
comme un dieu vivant donc il ne peut pas perdre.
Chaque
jour, on voit la foule être inondée de jetons pouvant être échangé
contre des chevaux, esclaves, demeures, navires, blés… Cela permet
aussi de gagner des oiseaux venant de lieux inconnus pour les romains
ou même de bêtes sauvages (lions…) : matérialiser la
puissance universelle de Rome.
A
l'occasion de ces jeux, de nouveaux lieux de spectacles sont bâtis
au Champs de Mars : un amphithéâtre, un théâtre, un cirque,
des bains et un gymnase. Cette activité édilitaire est très
importante et marque l'importance de la place des jeux pour Néron.
Ils sont importants car c'est le moment où il y a un contact direct
entre le princeps et la population. Par l'accueil qui vous est fait,
vous pouvez connaître les sentiments de la population à votre
égard. Cela montre aussi que l'on partage les goûts du peuple.
Néron apparaît parfois sur une estrade surélevée pour qu'on
puisse voir ses réactions. Pour légitimer sa position d'empereur,
il n'a pas de grandes victoires militaires pour asseoir sa
réputation, c'est plutôt la magnificence de ses jeux qui vont
permettre sa popularité.
II)
L'organisation des jeux : excès, cruauté et bouleversement
social
Si
les jeux de Néron sont restés dans les mémoires, c'est aussi parce
que les représentations ont aussi parfois quelque chose de vécu
comme transgressif. C'est une sorte de bouleversement social qui
conduit la Plèbe.
Les
moins graves sont les largesses inconsidérées de Néron. Elles
permettent de se forger une popularité, elles trouvent leur source
dans l'évergétisme. A Rome, il n'existe pas de système de
redistribution des richesses, de politique sociale. C'est pour cette
raison que traditionnellement les grands font des dons à la cité
qui ont pour but d'améliorer la vie du peuple (financer les
constructions d'aqueducs, de fontaines, distributions de vivres….).
Il s'inscrit dans cette tradition mais le fait de manière immodérée.
La
cruauté de certains spectacles, Suétone mentionne un certain nombre
de pièces jouées lors des grands jeux, notamment Pasiphaé et
Icare. Son rôle pédagogique de la pièce apprend la mythologie. Ce
qui va choquer les membres de l'élite romaine sont les formes de
bouleversements sociaux qui vont avoir lieu sous Néron. Suétone
évoque des Vestales invitées par Néron pour assister à des
combats d'athlètes à demi-nus ce qui va choquer les Vestales
chastes.
Lors
des grands jeux, on voit la participation de personnes d'ordre
supérieur sur scène (chevalier montant à la corde sur un
éléphant ; sénateurs qui combattent contre des gladiateurs…).
On a des combats de gladiateurs qui mettent en scène des condamnés
à mort qui ne seront pas tués. Lors des juvenalia, fête
consacrée à la jeunesse, on voit des matrones (citoyennes mariées)
et des vieillards consulaires se ridiculiser en public en allant
danser sur scène.
On
sait que déjà sous César, il y a un ancien sénateur qui combat
dans l'arène et qu'un autre s'est proposé de la faire et que César
refuse. Il semblerait que César a toujours refusé que les sénateurs
combattent sauf une fois, c'est un ancien sénateur qui accepte pour
les chevaliers. Pourquoi cette demande ? Rome est une société
de virilisme et où l'on dépend de la faveur de celui qui est au
pouvoir : une personnalité connue donne un retentissement
particulier dans les jeux, c'est un gage de réussite dans les jeux
et donc César vous est redevable. Il y a des demandes qui continuent
sous Auguste et Tibère qui refusent systématiquement et reprennent
des lois pour les interdire. Néron, lui, laisse faire et encourage
ces mouvements à tel point que lors des neronias, on voit
descendre 400 sénateurs et 700 chevaliers mais cela restait
exceptionnel.
Il
faut se méfier des propos de Suétone. Il juge cela avec beaucoup de
recul, dans une atmosphère qui a beaucoup changé. Il est difficile
pour les ordres supérieurs d'avouer ce qu'il s'est passé. Il fait
reposé la responsabilité sur les épaules de Néron.
Il
y a un moment où Suétone fait allusion au fait que Néron organise
les gradins au cirque pour que les chevaliers soient séparés du
peuple, c'est une matérialisation de la société d'ordre. Il laisse
parfois la présidence aux consulaires pour l'organisation des jeux.
III)
La dimension orientalisme
Néron
introduit les jeux grecs à Rome. César et Auguste ont essayé mais
cela n'a pas eu un grand retentissement. Néron concurrence les jeux
romains avec cette introduction, c'est une vision d'hellénisation de
Rome qui va être très mal perçu.
Les
Vestales, par exemple, quand elles sont autorisées à regarder les
spectacles, il ne fait que se caler sur ce qui se fait en Grèce. Les
prêtresses de Cérès ont le droit d'aller voir ces concours. Cela
remet en cause les traditions et les coutumes romaines.
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