mardi 3 mars 2015

TD Ancienne : 5-LES JEUX DE NERON INCOMPLET

LES JEUX DE NERON

Les jeux sont une composante essentielle de la vie sociale et politique à Rome dès l'époque républicaine, ils jouent un rôle non négligeables qui ne cessent de se renforcer sous l'empire. Les jeux de Néron demeurent dans la mémoire collective en raison de leur originalité et leur magnificence. Il a un tempérament régulier. On donne volontiers de lui une image d'un fou sanguinaire, image non dénuée de réalité, mais elle doit beaucoup aux commentaires des chrétiens, persécutés sous Néron, et aux historiens, qu'ils soient de l'ordre sénatorial comme Tacite ou équestre comme Suétone. Ce sont des ordres qui ont eu à se plaindre pour diverses raison de Néron. Ils n'apprécient d'ailleurs pas son philhéllénisme (appréciation de la culture grecque) qui aboutit à la remise en cause de certaines traditions romaines. Il ne faut pas penser que le peuple ne l'apprécie pas. Pour ce peuple, il semble que Néron est très populaire, il paraît évident que sa politique édilitaire et la caractéristique de ses jeux y sont pour beaucoup dans sa popularité. Cependant Suétone ne fait pas état de sa popularité.
Suétone est né aux alentours de 70, originaire d'une famille équestre, sans doute romaine. Il fait une carrière administrative brillante sous Trajan et Hadrien et grâce à ses fonctions qu'il occupe dans les services impériaux, il peut consulter de nombreuses archives qu'il met à profil pour écrire la biographie de La Vie des Douzes Césars, notamment par l'accès à la correspondance des empereurs. Cet un ouvrage publié entre 119 et 122, date à laquelle on perd la trace de Suétone car il est disgracié. Suétone fonctionne moins en historien qu'en moraliste, ce qui l'intéresse c'est le caractère et le comportement, les mœurs des différents empereurs. Il a une prétention à l'objectivité. L'impression que l'on a à la lecture est plutôt défavorable à chacun des princeps : vision négative pour certains (Caligula, Claude, Domitien, Tibère) et une vision positive pour d'autres (Auguste, Vespasien). Il y a chez lui une réflexion sur le prince idéal d'où l'insistance sur les vices et vertus des princeps : ce qui fait la différence entre un bon et un mauvais empereur, c'est la moralité pour lui, il y a ceux qui abusent de leur pouvoir et ceux qui usent avec modération

Les jeux constituent un moment privilégiés où l'ensemble de la société romaine (de la Plèbe aux ordres supérieurs) se trouve réunis dans un même lieu et s'observe dans un spectacle qui se trouve autant dans les gradins que dans l'arène. Les jeux disent quelque chose du pouvoir qui profite de cette occasion pour s'exhiber et cela dit aussi quelle perception les citoyens où du pouvoir.

I) La profusion du spectacle organisé par Néron

Aux premières lignes du ch.11, Suétone nous dit que Néron donne un grand nombre de spectacles : jeux du cirque, courses de chars, combats de gladiateurs, représentations théâtrales et il en cite certains.
Les jeux juvénaux (juvenalia) sont des jeux scéniques institué par Néron en 59 pour commémorer le moment où pour la première fois il a coupé sa barbe (marque le passage de l'enfance à l'âge adulte). Ils sont censés avoir un but éducatif. Il y a toute sorte de représentations théâtrales qui ont lieu et dans le programme, les pièces de théâtre grecques occupent une place plus que conséquente. Néron monte lui-même sur scène. Dion Cassius nous dit que finalement Néron quand il monte sur scène : il a une voix faible et sourde. Dès 59, il crée des sortes de troupes de jeunes hommes venant de familles aristocratiques romaines : les augustians. Ils sont chargés de prendre place dans les gradins et d'applaudir avec enthousiasme les prestations de Néron afin d’entraîner le public. Néron est un fin lettré qui connaît bien les poètes grecs. Il fait de l'Iliade son livre de chevet et écrit lui-même des vers assez élaborés.
Les grands jeux (ludi maximi) sont les jeux du cirque plus classiques qui marquent les mémoires. Ils durent plusieurs jours et ont lieu dans différents lieux de spectacles (cirques, théâtre, amphithéâtre, naumachie). Les jeux sont organisés en 59 et Néron veut en faire des jeux célébrant la gloire de l'empire romain. C'est pourquoi des spectacles sont marqués d'une forme d'exotisme dans la mesure où l'on voit pour la première fois un quadrige de chameaux, censé frapper les esprits ainsi que de montrer que Rome exerce une domination universelle.
L'Incendie est une comédie qui bâti une maison sur scène qui va ensuite brûler et les acteurs peuvent réellement piller la maison. Au bout d'un moment, elle s'effondre et certains acteurs sortent en torche humaine...Les acteurs sont des gens méprisés, de basse extraction qui vivent de peu. Le fait de pouvoir récupérer les éléments de valeur motivent certains d'entre-eux à prendre des risques.
La Naumachie propose des spectacles mettant en scène un combat naval. C'est à la fois un lieu de spectacle et un spectacle lui-même, bâti par Auguste, sur la plaine du Vatican. On peut y voir des monstres marins pour étonner le public et lui montrer des choses qu'il n'a jamais vu.
L'exécution de la pyrrhique est une danse qui vient d'un guerrier grec Pyrrhus. Elle est pratiquée à l'origine par des guerriers spartiates et crétois par conséquent elle n'entre pas dans la tradition romaine.
Les jeux néroniens (neronia) est un concours de musique, d'éloquence et de poésie ainsi que de courses à cheval et des concours gymniques. Elles se tiennent à deux reprises en 60 et 65. En 65, on voit pour la première apparition publique de l'empereur sur scène. En 64, à Naples, il apparaît aussi mais cela n'a pas le même impact. Quand Néron se présente, il gagne. Il obtient le prix de la harpe, la couronne de l'éloquence…. C'est un homme orgueilleux et cruel, le jury se doit de lui donner la victoire. Il essaye de corrompre ses adversaires avant le concours. Il se présente comme un dieu vivant donc il ne peut pas perdre.
Chaque jour, on voit la foule être inondée de jetons pouvant être échangé contre des chevaux, esclaves, demeures, navires, blés… Cela permet aussi de gagner des oiseaux venant de lieux inconnus pour les romains ou même de bêtes sauvages (lions…) : matérialiser la puissance universelle de Rome.
A l'occasion de ces jeux, de nouveaux lieux de spectacles sont bâtis au Champs de Mars : un amphithéâtre, un théâtre, un cirque, des bains et un gymnase. Cette activité édilitaire est très importante et marque l'importance de la place des jeux pour Néron. Ils sont importants car c'est le moment où il y a un contact direct entre le princeps et la population. Par l'accueil qui vous est fait, vous pouvez connaître les sentiments de la population à votre égard. Cela montre aussi que l'on partage les goûts du peuple. Néron apparaît parfois sur une estrade surélevée pour qu'on puisse voir ses réactions. Pour légitimer sa position d'empereur, il n'a pas de grandes victoires militaires pour asseoir sa réputation, c'est plutôt la magnificence de ses jeux qui vont permettre sa popularité.


II) L'organisation des jeux : excès, cruauté et bouleversement social

Si les jeux de Néron sont restés dans les mémoires, c'est aussi parce que les représentations ont aussi parfois quelque chose de vécu comme transgressif. C'est une sorte de bouleversement social qui conduit la Plèbe.
Les moins graves sont les largesses inconsidérées de Néron. Elles permettent de se forger une popularité, elles trouvent leur source dans l'évergétisme. A Rome, il n'existe pas de système de redistribution des richesses, de politique sociale. C'est pour cette raison que traditionnellement les grands font des dons à la cité qui ont pour but d'améliorer la vie du peuple (financer les constructions d'aqueducs, de fontaines, distributions de vivres….). Il s'inscrit dans cette tradition mais le fait de manière immodérée.
La cruauté de certains spectacles, Suétone mentionne un certain nombre de pièces jouées lors des grands jeux, notamment Pasiphaé et Icare. Son rôle pédagogique de la pièce apprend la mythologie. Ce qui va choquer les membres de l'élite romaine sont les formes de bouleversements sociaux qui vont avoir lieu sous Néron. Suétone évoque des Vestales invitées par Néron pour assister à des combats d'athlètes à demi-nus ce qui va choquer les Vestales chastes.
Lors des grands jeux, on voit la participation de personnes d'ordre supérieur sur scène (chevalier montant à la corde sur un éléphant ; sénateurs qui combattent contre des gladiateurs…). On a des combats de gladiateurs qui mettent en scène des condamnés à mort qui ne seront pas tués. Lors des juvenalia, fête consacrée à la jeunesse, on voit des matrones (citoyennes mariées) et des vieillards consulaires se ridiculiser en public en allant danser sur scène.
On sait que déjà sous César, il y a un ancien sénateur qui combat dans l'arène et qu'un autre s'est proposé de la faire et que César refuse. Il semblerait que César a toujours refusé que les sénateurs combattent sauf une fois, c'est un ancien sénateur qui accepte pour les chevaliers. Pourquoi cette demande ? Rome est une société de virilisme et où l'on dépend de la faveur de celui qui est au pouvoir : une personnalité connue donne un retentissement particulier dans les jeux, c'est un gage de réussite dans les jeux et donc César vous est redevable. Il y a des demandes qui continuent sous Auguste et Tibère qui refusent systématiquement et reprennent des lois pour les interdire. Néron, lui, laisse faire et encourage ces mouvements à tel point que lors des neronias, on voit descendre 400 sénateurs et 700 chevaliers mais cela restait exceptionnel.
Il faut se méfier des propos de Suétone. Il juge cela avec beaucoup de recul, dans une atmosphère qui a beaucoup changé. Il est difficile pour les ordres supérieurs d'avouer ce qu'il s'est passé. Il fait reposé la responsabilité sur les épaules de Néron.
Il y a un moment où Suétone fait allusion au fait que Néron organise les gradins au cirque pour que les chevaliers soient séparés du peuple, c'est une matérialisation de la société d'ordre. Il laisse parfois la présidence aux consulaires pour l'organisation des jeux.


III) La dimension orientalisme

Néron introduit les jeux grecs à Rome. César et Auguste ont essayé mais cela n'a pas eu un grand retentissement. Néron concurrence les jeux romains avec cette introduction, c'est une vision d'hellénisation de Rome qui va être très mal perçu.
Les Vestales, par exemple, quand elles sont autorisées à regarder les spectacles, il ne fait que se caler sur ce qui se fait en Grèce. Les prêtresses de Cérès ont le droit d'aller voir ces concours. Cela remet en cause les traditions et les coutumes romaines.

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